Dans cette grande cour il n’y avait pas d’enfants qui y jouaient, les gens restaient calfeutrés dans leur intérieur. Après la guerre les gens étaient plus méfiants.
La seule personne que nous voyons au quotidien était la concierge, nous lui laissions les clés, comme cela celui qui en avait besoin pouvait les récupérer dans sa loge, et prendre le courrier dans notre casier ;
Sa loge était sombre, une pièce centrale qui lui servait de salle-à-manger, au fond le coin cuisine, et à droite la chambre-à-coucher dont la fenêtre était munie de barreaux….Elle devait sortir les poubelles tôt le matin et nous les entendions racler le sol avec ce bruit métallique si particulier. Elle nettoyait les 5 cages d’escalier qui embaumaient l’encaustique.
Je me souviens bien que je faisais les carreaux, je veux dire je les nettoyais avec du papier journal trempé dans de l’eau….et ça brillait.
Nous nous chauffions au charbon.
Des chanteurs de rue venaient encore pousser leurs chansonnettes dans la cour et je fouillais les poches pour y trouver une ou deux piécettes que j’entourais s dans du journal pour les leurs jeter par la fenêtre.
Tous les matins je prenais mon pot-à-lait en métal, traversait la rue, et la crémière me le remplissait à la louche….
Les commerçants félicitaient mes parents ils me trouvaient bien élevée : facile de dire « merci, et aurevoir ».
Je revoie les balais et les martinets accrochés à la devanture du quincaillier.
Quand je pense que j’achetais des revues style « Tarzan, Davy Crocket » pour quelques 20 cts de francs.
Des petits pains aussi que je mettais dans nos malettes pour le goûter avec une barre de chocolat. En allant à l’école communale de filles rue des Trois Bornes.
Je tenais la main de ma petite sœur bien fort tout le long du trajet, j’en étais responsable.
Le dimanche matin j’amenais le poulet dans un plat en terre cuite à la boulangerie, qui le faisait cuire dans leur four et le récupérais à midi. Il était cuit à point. Cela se faisait à Paris.
Cette rue est devenue une rue branchée et ça me fait bizarre. Pourquoi ? Une rue où chacun s’affairait, une rue commerçante mais aussi ouvrière avec des usines de métallo, comme dans notre cour.
Maintenant que je n’y vis plus je me souviens, c’est là où je suis née, bien que pour de vrai j’ai vécu mes premiers mois dans un hôtel avant que mon père ne trouve cet appartement. Le luxe.
Fallait bien que je me replonge dans mon enfance, dans ce quartier du 11ème Arrondissement .