Il est arrivé chez moi, un début d’automne, en ambulance.
Il avait quitté le moyen séjour en région parisienne. Je l’ai recueilli.
Oui recueilli. Je crois qu’il ne savait pas où il atterrissait.
Il était sale incroyablement sale.
Je devinais qu’on ne l’avait jamais lavé dans cet hosto.
J’ai eu de la peine. L’infirmière est arrivée pour le laver
et lui couper les ongles des pieds noirs de crasse.
Il est arrivé dans un pyjama dégoutant. J’étais horrifié
de voir mon père dans un tel état. A l’hôpital ils ne se sont
pas occupé de lui……
.Aucun respect de l’être humain. On me l’a déposé comme
un vieux et sale paquet. J’avais commandé un lit médicalisé
qui l’attendait dont le matelas était recouvert de plastique.
J’ai vite compris qu’il était aussi incontinent, ma sœur ne me
l’avait pas signalé, peut-être qu’on ne le lui avait pas dit.
Mon père délirait parfois et nous réveillait au milieu de la nuit
en appelant son ancienne compagne. Il voulait faire les courses
et acheter du poisson. Là j’ai compris qu’il était devenu sénile.
Il a continué à ne pas m’appeler par mon prénom.
J’ai dû m’organiser pour pouvoir faire les courses.
De sortir rien qu’une heure devenait dangereux.
Une fois je l’ai retrouvé dans la cuisine, il dormait au premier,
il avait allumé le gaz pour se faire un café et avait terminé
la plaquette de beurre, éventré le camembert.
J’ai dû acheter des liens et l’ai ligoté sur son fauteuil.
Mais de détresse à mon retour il avait tout arraché.
J’avais toujours peur qu’il ne tombe dans les escaliers.
Pour lui c’était mieux d’être au premier les commodités
étaient à porté de main : toilette, salle de bain, j’avais
fait mettre des barres pour qu’il puisse se tenir et se relever……..
Je devais faire aussi attention à son régime il était diabétique.
Toute sa vie il avait été le chef et maintenant je me demandais
comment il pouvait se voir……